SOMESTHÉSIE

SOMESTHÉSIE
SOMESTHÉSIE

Le terme de « sensibilité somesthésique générale» désigne les sensations conscientes éveillées par la stimulation des tissus du corps, sensations qui ne sont ni visuelles, ni auditives, ni gustatives, ni olfactives. Elles sont provoquées par l’excitation de terminaisons nerveuses réceptrices de types variés, localisées dans le revêtement cutané et divers tissus plus profondément situés: conjonctif viscéral, capsules et ligaments articulaires. Ces récepteurs sont sensibles à un certain nombre de stimulants spécifiques: mécanique, thermique, douloureux. On distinguera donc au sein de la somesthésie les sensibilités tactile, thermique et douloureuse, ainsi que la kinesthésie consciente, qui provient des articulations et fournit au sujet des indications sur les positions et les déplacements des différents segments corporels dans l’espace. La sensibilité douloureuse ayant été examinée par ailleurs, on ne considérera ici que les autres modalités sensorielles, et plus particulièrement la sensibilité tactile.

Les récepteurs somesthésiques

Il y a un siècle, Blix (1884) montra que les quatre sensibilités élémentaires (tact, chaud, froid, douleur) ne se répartissaient pas de façon uniforme au sein des téguments. On pouvait au contraire trouver des régions de très petite surface (quelques millimètres carrés) où existait une «sensibilité exquise» pour les diverses sortes de stimuli. Ainsi se faisait jour la notion de points de chaud, de froid... Pendant toute la première moitié du XXe siècle, les psychophysiologistes ont abondamment étudié la répartition de ces «points», tracé leur cartographie pour l’ensemble du revêtement cutané, et se sont efforcés d’identifier un type de terminaison spécifique correspondant à chaque modalité de la somesthésie et à chaque «point» localisé. On avait cru ainsi établir que les corpuscules de Meissner présents dans les papilles dermiques étaient les organes du tact superficiel fin, les corpuscules de Pacini les mécanorécepteurs des tissus conjonctifs profonds (mésentère, par exemple); les corpuscules de Krause auraient été électivement sensibles à la baisse de température, servant donc de «récepteurs de froid»; les terminaisons encapsulées dites «de Ruffini » auraient été les «récepteurs de chaud», etc.

Cette notion de spécificité des différents types de terminaisons et la coïncidence topographique des points de sensibilité maximale avec la présence sous-jacente de l’une d’entre elles allaient être rapidement mises en doute. En effet, des vérifications histologiques répétées montraient que bien souvent dans la région du revêtement cutané exactement sous-jacente à un point (de tact, par exemple) on ne trouvait pas de terminaison ou que celle-ci n’était pas du type attendu. De même, il fut établi que les terminaisons soigneusement décrites et identifiées présentaient souvent des cas limites et qu’il existait beaucoup de types intermédiaires dont la sensibilité spécifique paraissait du même coup difficile à déterminer. Enfin, la constatation de l’existence de très nombreuses terminaisons nerveuses libres, c’est-à-dire sans entourage de cellules conjonctives différenciées et s’insinuant entre les cellules dermiques pour constituer un système plexiforme très dense, amenait à concevoir des mécanismes différents à l’origine de la spécificité des diverses modalités de la sensibilité somesthésique. Dans les années 1950, l’équipe de G. Weddell mettait l’accent sur les difficultés que soulevait le parallélisme: spécificité, type de terminaison, et développait la théorie dite «du pattern». D’après celle-ci, la spécificité des sensations cutanées reposerait sur un ensemble de caractéristiques spatiales et temporelles de l’activité des terminaisons nerveuses mises en jeu par un stimulus de type déterminé et non sur le fonctionnement d’un type spécialisé de terminaisons.

En fait, au cours de ces dernières années, des recherches histologiques et électrophysiologiques ont amené à rejeter pour sa plus grande part la théorie du pattern de Weddell, sans cependant revenir totalement à la théorie ancienne, que trop d’observations contradictoires condamnaient. Sans que tous les problèmes aient été résolus, un certain nombre de données recueillent aujourd’hui un large consensus:

– Les terminaisons des fibres nerveuses elles-mêmes révèlent une sensibilité différentielle pour une certaine forme d’énergie-stimulus. Jusqu’à présent, aucune différence morphologique, même au niveau ultramicroscopique, n’a pu être mise en évidence pour servir de support à cette relative spécificité, et le mécanisme de celle-ci demeure inconnu.

– Certaines ramifications terminales des fibres nerveuses sensitives myélinisées d’assez gros diamètre (de 0,3 à 1,4 nanomètre) achèvent leur trajet au sein de structures non nerveuses complexes faites d’éléments conjonctifs diversement disposés, l’ensemble constituant les corpuscules de Meissner, de Krause, de Pacini, de Ruffini (fig. 1).

– Il existe des différences très notables dans l’organisation et le type des terminaisons, selon que la peau qui les contient est glabre ou velue. Dans ce dernier cas, les terminaisons nerveuses libres, organisées en une architecture complexe à la base de chaque poil, réalisent des dispositifs mécanorécepteurs très sensibles à tout déplacement. Chez certains Mammifères (chat, chien, etc.), on rencontre en outre, entre les poils, des groupements privilégiés de terminaisons encapsulées, innervées par les ramifications d’un unique axone myélinisé d’assez gros diamètre, et siégeant dans la couche germinative d’un épiderme épaissi à cet endroit. Ces structures caractéristiques ont reçu le nom de «dômes de Iggo» et possèdent certainement un rôle mécanorécepteur (fig. 2). Par contre, dans la peau glabre, il n’y a pas de dômes de Iggo, mais de nombreux organes sensibles encapsulés (type corpuscules de Meissner) ainsi que des terminaisons nerveuses libres dont l’extrémité s’épaissit pour former des disques de Merkel.

– Dans les tissus profonds existent d’autres récepteurs encapsulés. Certains siégeant dans les ligaments et capsules articulaires sont responsables de la sensibilité dite kinesthésique consciente ; celle-ci nous informe sans le secours de la vue sur la position des segments du corps dans l’espace et sur leurs déplacements actifs et passifs. D’autres, tels les corpuscules de Pacini, ont une sensibilité élective aux stimuli vibratoires. Enfin, dans les muscles, contrairement à ce que l’on pensait il y a encore quelques années, les fibres sensitives issues des fuseaux neuro-musculaires [cf. TONUS MUSCULAIRE] éveillent au niveau du cortex cérébral des sensations lors des contractions ou des étirements passifs des muscles.

– Tous les types de terminaisons que nous venons d’indiquer semblent fonctionner comme des mécanorécepteurs. Contrairement aux opinions autrefois admises, il n’est plus aujourd’hui possible d’associer la sensibilité au chaud et au froid à un type particulier de récepteur encapsulé. On sait par contre que les fibres nerveuses chargées de transporter les informations déclenchées par les variations de la température cutanée se terminent dans les régions pileuses en formant un plexus assez caractéristique au voisinage des cellules épidermiques basales et qu’elles sont du type myélinisées fines (fibres A) et amyéliniques (fibres C).

– Les structures conjonctives, de morphologie diverse, entourant la terminaison axonique proprement dite, paraissent plutôt conditionner les aspects quantitatifs de la réponse de la fibre à un stimulus d’intensité et de durée déterminées que lui conférer une sensibilité spécifique.

– La forme, le nombre et la distribution des récepteurs varient en fonction de l’âge, de la région tégumentaire et des pressions auxquelles ils sont soumis. C’est ainsi que les corpuscules de Meissner de la peau glabre sont plus rares à la naissance que chez le grand enfant; leur nombre diminue au cours de la vieillesse et ils se raréfient dans le derme de la main des sujets exerçant des métiers de force. La morphologie des différentes terminaisons encapsulées se modifie dans les zones de transition entre la peau glabre et la peau poilue, entre la peau et les régions recouvertes de muqueuse. Enfin, lorsqu’un traumatisme superficiel les a détruites, elles se reforment par régénération des arborisations nerveuses terminales, lesquelles viennent réoccuper l’aire tégumentaire en cause. On doit ajouter que de très nombreuses fibres amyéliniques, outre celles que nous venons d’indiquer, sont sensibles aux stimuli mécaniques, mais avec des caractères fonctionnels différents, ne répondant par exemple qu’à des pressions relativement prolongées. La sensibilité douloureuse est aussi liée à ce type d’axones et, sans nous y attarder davantage, nous indiquerons cependant que l’on a récemment distingué différents groupes de fibres transportant les sensations douloureuses éveillées soit par une forte pression, soit par une élévation de température exagérée.

– Les très nombreuses fibres nerveuses amyéliniques qui se trouvent dans la peau semblent avant tout assurer la production et la transmission des sensations douloureuses, mais des travaux récents ont montré qu’une proportion importante d’entre elles peuvent être mises en jeu par des stimuli mécaniques de faible intensité. Cependant, il n’apparaît pas que malgré cette propriété elles jouent réellement un rôle dans la sensibilité tactile, car les voies nerveuses centrales qu’empruntent les messages issus de ces terminaisons libres sont distinctes des voies suivies par la sensibilité tactile.

La fonction somesthésique

Les progrès récents des méthodes d’analyse micro-électro-physiologique ont apporté d’importantes précisions sur le fonctionnement des terminaisons nerveuses sensibles cutanées, l’organisation des messages qui en proviennent et les voies nerveuses centrales qu’ils empruntent.

Propriétés générales des récepteurs

Un certain nombre de ces propriétés et des caractères du message sont identiques à ceux d’autres terminaisons [cf. SENSIBILITÉ].

On peut ainsi établir tout d’abord la notion de seuil : celle-ci signifie que des influx nerveux ne partent dans une fibre venant d’une terminaison somesthésique que si l’intensité du stimulus est suffisante. Ces influx sont déclenchés par une dépolarisation électrique du récepteur lui-même, dépolarisation engendrée par le stimulus (pression, par exemple) et dénommée potentiel-récepteur . Il existe une relation précise entre l’intensité du stimulus et la fréquence des influx émis, celle-ci s’accroissant avec celle-là, le rapport de proportionnalité pouvant d’ailleurs varier assez notablement selon le type de récepteur considéré. Un autre caractère fonctionnel essentiel des récepteurs réside dans la propriété d’adaptation ou d’accommodation de ceux-ci. En réponse à une excitation de durée suffisamment longue, certaines terminaisons peuvent fonctionner durant tout le temps d’application du stimulus (on dit alors que la terminaison «n’accommode pas»), ou au contraire n’émettre des influx nerveux que pendant un bref instant lors de cette application et demeurer ensuite silencieuses (la terminaison est dite dans ce cas «à accommodation importante»). Il a été montré qu’en fait tous les intermédiaires existent entre ces deux types extrêmes. Le plus souvent, le récepteur cutané stimulé répond par une bouffée d’influx de fréquence relativement élevée au moment de l’application du stimulus, puis la fréquence d’émission décroît, mais une certaine activité persiste qui ne s’interrompt qu’avec l’arrêt de l’excitation.

Ces caractères: seuil, potentiel-récepteur, relation entre l’intensité et la fréquence du message, accommodation, sont dans leur ensemble communs à tous les types de récepteurs sensoriels.

Caractères spécifiques

Les récepteurs de la somesthésie présentent en outre nombre de traits particuliers liés à leur spécificité. C’est ainsi que, dans le cas des récepteurs tactiles, la sensibilité de certains peut être très élevée, un déplacement de la peau de 6 à 8 microns étant suffisant pour faire varier leur fréquence d’émission de façon significative.

La possibilité de distinguer spatialement deux stimuli tactiles appliqués au même instant sur la peau est bien connue, et l’on sait que la distance entre les deux points qu’il est possible de discriminer varie en fonction de la localisation de ceux-ci. Cette distance est beaucoup plus grande sur le torse que sur la pulpe des doigts où l’on peut identifier comme distincts deux reliefs séparés de 2,5 mm seulement. Ce pouvoir de discrimination peut d’ailleurs s’élever considérablement si le doigt n’est plus immobile mais balaie la surface de l’objet, ce qui permet alors de percevoir des différences très faibles de rugosité. On s’explique ainsi qu’un aveugle ayant appris le Braille puisse lire jusqu’à 600 lettres par minute, c’est-à-dire plus rapidement qu’un sujet voyant.

D’autres types de mécanorécepteurs encapsulés présentent également une sensibilité remarquable à leur stimulus spécifique. C’est ainsi que les corpuscules de Pacini spécialisés dans la détection des vibrations ont un seuil particulièrement bas pour des oscillations de fréquence comprise entre 250 et 300 Hz, puisqu’un sujet peut percevoir à ce rythme des déformations de la peau qui n’excèdent pas un micron d’amplitude.

La sensibilité kinesthésique consciente informe le sujet sans le secours de la vue sur les positions des différents segments de son propre corps dans l’espace et sur les déplacements articulaires actifs ou passifs; ce sens révèle aussi une sensibilité discriminative d’une précision et d’une fidélité remarquables. Pour des articulations aussi massives que celles de la hanche ou de l’épaule, un déplacement du bras ou de la cuisse qui ne dépasse pas un degré par seconde est aisément perçu, et ce seuil s’abaisse au dixième de cette valeur pour les articulations des phalanges des doigts. De même, la reproduction d’une angulation déterminée de l’avant-bras sur le bras est fidèle au degré près chez un sujet adulte ayant les yeux fermés. Ces possibilités remarquables sont dues à la présence dans les capsules et les ligaments articulaires de terminaisons encapsulées, dont certaines fonctionnent comme des détecteurs absolus de position, et d’autres comme des détecteurs absolus de mouvement. La différence essentielle entre les deux types de terminaison réside dans leur pouvoir d’accommodation: très important pour les secondes, il est au contraire extrêmement faible pour les premières, qui peuvent fournir une décharge stable pendant plusieurs l’heures.

La thermosensibilité tégumentaire est également d’une remarquable précision: les seuils de perception pour le chaud ou pour le froid sont de l’ordre du centième de degré Celsius par seconde lorsque la peau est au voisinage de son point dit «de neutralité thermique», soit vers 33 0C. Cette sensibilité augmente d’ailleurs fortement lorsque la surface cutanée stimulée s’accroît: un sujet exposé totalement nu dans une enceinte thermique aura une sensation de froid au-dessous de 32 0C, ou de chaud au-dessus de 35 0C, si la température s’élève ou s’abaisse à la vitesse incroyablement lente de 1/1 000e de degré par seconde.

Voies, relais et protection corticale de la sensibilité somesthésique

En amont de leurs ramifications terminales libres ou encapsulées, dans la profondeur du derme, des fibres nerveuses se regroupent peu à peu pour constituer des rameaux, puis des nerfs sensitifs purs qui rejoindront après un trajet plus ou moins long des nerfs moteurs, constituant alors des nerfs mixtes.

Du point de vue de leur composition, les nerfs cutanés sensitifs présentent des caractéristiques particulières. Ils contiennent tout d’abord une très forte proportion de fibres non myélinisées (fibres C) qui varie des 4/5 à la moité selon la région tégumentaire considérée. C’est ainsi qu’elles sont beaucoup plus nombreuses dans les aires cutanées de la racine des membres que dans celles de la face ou des extrémités. Une partie de ces fibres amyéliniques n’intervient pas dans la somesthésie mais dans les régulations végétatives, le reste transportant des messages tactiles à destinée particulière et surtout les messages de la douleur dite «lente» ou «profonde» ou «viscérale» [cf. DOULEUR].

Les fibres myélinisées qui constituent le reste de ces nerfs sensitifs sont de diamètres variés (de 1 à 16 microns sensiblement) avec deux contingents principaux, l’un qui a entre 2 et 5 microns de diamètre, l’autre entre 10 et 14 microns. Une relation certaine existe entre le diamètre des fibres sensitives cutanées et la nature des messages transportés: les plus grosses véhiculent les informations provenant des mécanorécepteurs et des terminaisons kinesthésiques, les plus fines celles originaires des récepteurs de la thermo-sensibilité et de la douleur «rapide». Cependant, comme nous l’avons indiqué plus haut, on sait aujourd’hui que cette distinction est moins absolue qu’on ne le supposait il y a quelques années et qu’un contingent notable de fibres amyéliniques transportent aussi des informations tactiles.

À leur arrivée au contact de la colonne vertébrale, les fibres cutanées sensitives provenant des membres et du tronc se séparent des fibres motrices et, après avoir emprunté les trous de conjugaison, pénètrent dans les différents ganglions rachidiens où siègent leurs corps cellulaires (cellules dites «en T»). En sortant de leurs ganglions, les fibres se rassemblent à l’intérieur du canal vertébral dans les racines rachidiennes postérieures (ou dorsales), par lesquelles elles vont pénétrer dans la moelle. Sur la foi d’arguments anatomiques relativement anciens, mais surtout à la suite d’observations cliniques effectuées chez l’homme, on admettait qu’au sein de cette moelle les deux groupes de fibres se répartissaient de façon relativement simple et systématique comme suit:

– Les fibres amyéliniques et myélinisées fines (de 2 à 5 microns) venaient se terminer au contact d’amas de neurones situés à la base de la corne médullaire postérieure homo-latérale. Les axones partant de ces cellules croisaient la ligne médiane puis se groupaient dans le cordon latéro-ventral de la moelle du côté opposé pour former le point de départ des faisceaux spino-thalamiques (fig. 3b).

– Les plus grosses fibres myélinisées par contre restaient dans la substance blanche médullaire et montaient dans les cordons postérieurs (ou dorsaux), qui forment les faisceaux de Goll (F. gracilis ) et de Burdach (F. cuneatus ) pour se terminer seulement dans le bulbe au sein des noyaux de Goll et de Burdach (fig. 3a).

Suivant ce schéma de répartition, on admettait donc qu’une séparation s’opérait entre les messages qui gagnaient directement le bulbe par la voie des cordons postérieurs et les autres messages qui faisaient directement relais dans les cornes postérieures pour être ensuite véhiculés jusqu’au diencéphale par la voie des faisceaux spino-thalamiques. Cette distinction entre les deux systèmes se poursuivait d’ailleurs jusqu’au terme de leur trajet. En effet, à partir des noyaux bulbaires de Goll et de Burdach, où elles ont fait relais, les informations tactiles et kinesthésiques croisaient la ligne médiane pour emprunter le lemniscus médian ou ruban de Reil . De là, elles gagnaient le thalamus où elles relayaient une deuxième fois dans une région étroitement localisée: le complexe ventral postérieur. Elles atteignaient enfin l’aire de projection corticale primaire de la sensibilité cutanée (chez l’Homme, la circonvolution pariétale ascendante), où il est possible de retrouver une représentation ordonnée, dite somatotopie , des régions tégumentaires et qui a été décrite dans l’article HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX.

À ce schéma classique il faut aujourd’hui apporter des retouches importantes. C’est ainsi qu’une proportion notable des grosses fibres entrant dans la colonne dorsale par les racines rachidiennes dorsales des segments médullaires les plus bas situés ne sont plus retrouvées au niveau des segments cervicaux. La section des cordons postérieurs laisse intacte une part non négligeable de la sensibilité tactile. Cette part correspond aux messages provenant de certains récepteurs originaires de la base des poils, à ceux transportés par les fibres amyéliniques, les afférences viscérales, les axones provenant des corpuscules de Golgi et de Ruffini articulaires et de certains éléments des fuseaux neuro-musculaires. Toutes ces informations gagnent le bulbe et de là les étages plus élevés du tronc cérébral par la voie des faisceaux spino-thalamiques, après avoir relayé dans les cornes postérieures et croisées la ligne médiane comme les messages de la sensibilité thermo-algésique.

Les terminaisons de cet ensemble de voies très complexes sont beaucoup moins systématisées que celles des cordons postérieurs. Certaines fibres s’arrêtent déjà dans la moelle grise, d’autres atteignent les niveaux inférieurs du tronc cérébral où elles se terminent dans les noyaux de la formation réticulée. Enfin, un contingent restreint monte jusqu’au thalamus où il se distribue pour une part aux mêmes noyaux que ceux où relaient les fibres du lemniscus médian (cela paraît être en particulier le cas pour une part au moins de la sensibilité thermique). Le reste s’épuise dans les structures dites non spécifiques du thalamus où gagne peut-être directement d’autres centres tels l’hypothalamus où elles contribueraient par les informations qu’elles apportent aux grandes régulations générales (thermo-régulation par exemple) et aux grands comportements.

Le schéma remanié de l’organisation des voies somesthésiques que nous venons d’exposer, même s’il estompe notablement la distinction pour une part trop rigide entre système des cordons postérieurs et système antéro-ventral (faisceaux spino-thalamiques), laisse néanmoins largement subsister la distinction phylogénétique. Le premier système en effet, même s’il apparaît plus tôt dans l’échelle des Vertébrés qu’on ne l’admettait il y a quelques années, connaît cependant un développement de plus en plus important au fur et à mesure que l’on se rapproche des Primates, où il atteint son maximum.

À l’inverse, le second système, plus archaïque, a moins à faire avec la discrimination fine des formes complexes liée à la progression du rôle du membre supérieur et davantage à la sensibilité globale à but protecteur, adaptatif et homéostasique.

On indiquera enfin que la sensibilité cutanée de la face et de la cavité buccale, ainsi que celle des globes oculaires, empruntent des voies particulières: celles du nerf trijumeau [cf. TÊTE ET COU]. Les fibres originaires des différentes terminaisons voyagent tout d’abord dans les trois branches principales de celui-ci (nerfs maxillaires inférieur et supérieur, nerf ophtalmique), pénètrent dans le ganglion de Gasser où elles ont leurs corps cellulaires, puis, par le nerf trijumeau proprement dit, gagnent le tronc cérébral où elles se terminent et relaient dans un système nucléaire complexe. De là, les messages sensoriels parviendront au thalamus puis, éventuellement, au cortex. Cependant, bien que les voies empruntées soient différentes, on retrouve à l’intérieur du système trigéminal la même subdivision que pour la somesthésie du tronc et des membres. Tandis que les fibres myélinisées les plus grosses transportent les messages tactiles, les plus fines véhiculent les informations thermiques et douloureuses, et, pour les unes comme pour les autres, les emplacements de leurs relais au sein du complexe nucléaire et du thalamus seront différents, de même que leurs projections corticales.

somesthésie nom féminin Domaine de la sensibilité qui concerne la perception consciente de toutes les modifications intéressant le revêtement cutanéo-muqueux, les viscères, le système musculaire et ostéo-articulaire.

somesthésie [sɔmɛstezi] n. f.
ÉTYM. 1951, Piéron; du grec sôma « corps » (→ Somato-), et -esthésie.
Didact. Sensibilité générale (cutanée, interne, posturale), excluant les perceptions fournies par les organes sensoriels. aussi Statesthésie. || Somesthésie et schéma corporel.
DÉR. Somesthésique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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